Qui est cet homme ?
Qui est cet homme que la foule acclame et pourquoi ?
La foule manifeste sa reconnaissance, pour ce qu’elle a
reçu, pas seulement lors de la multiplication des pains, mais pour toutes les
paroles du Christ qui communiquaient la vie, pour toutes ces vies restaurées,
pour tous les fardeaux qui ont été ôtés des épaules de l’un ou l’autre, pour la
dignité retrouvée par l’un ou l’autre de ces parias de la société juive.
On rend grâce, pas seulement pour soi-même, mais pour ce que
l’on a vu opérer chez l’autre, car si le malheur de l’autre nous atteint, son bonheur
fait aussi le nôtre, bien entendu quand on n’est pas retenu captif dans les
griffes de la jalousie.
Le Christ l’a exprimé au moins une fois, la foule était par
moment, comme un troupeau sans pasteur, immobile ou affairé à ne rien faire,
tournant en rond, sans projet.
Cette foule est dans l’ouverture, elle est dans la
spontanéité. Elle fait cette haie d’honneur pour manifester sa reconnaissance
et son affection.
C’est une des rares occasions où ce sentiment est si
manifeste. La foule est dans la relation vraie ; elle est dans un moment
de vérité.
Mais la foule peut aussi se retrouver dans la fermeture et
l’accusation, dans le désamour sans raison apparente, quand elle prise en main ou
manipulée, quand elle prête ses voiles au vent contraire.
Mais dans la scène que nous décrit l’évangile de Mathieu, ce
n’est pas le cas.
La foule nous enseigne quelque chose de très important.
La foule nous enseigne que notre relation au Christ doit
parvenir à l’affection. Et quand elle parvient à l’affection, quand elle
atteint ce stade, alors notre barque touche terre.
Jésus est Christ et Seigneur, nous le savons. Il l’a rappelé
lors du lavement des pieds après la sainte Cène.
Néanmoins, la
relation doit intégrer cette réalité et parvenir à l’affection : le Christ
nous donne la possibilité de parvenir à ce stade de la relation.
C’est le Christ lui-même qui dit que « je ne vous
appelle pas serviteur, car le serviteur ignore ce que fait son maître, je vous
appelle mes amis, car je vous ai choisi pour être avec moi ».
La relation entre les amis est de l’ordre de la confiance,
de l’affection, etc.
Dans ce cas, la prière change de registre. Prier peut
devenir par exemple, « être avec », « penser à » « se
rappeler d’un fait », c.-à-d., tout ce qui peut nous rapporter au Christ,
tout ce qui peut ramener notre attention au Christ.
Ce sera depuis cette affection que nous pourrons désormais
parler du Christ.
Cette affection nous donne une certaine stabilité et une
certaine verticalité dans la vie.
Alors, ceux qui ont du mal à s’ouvrir à cette affection, à
oser l’affection. Il faut se rappeler aussi que nos relations avec Marie, la
Theotokos, avec Thérèse de Lisieux, peu importe celle ou celui qui nous a
devancés dans la foi et qui nous inspire, cette relation doit aussi parvenir à
l’amitié spirituelle, c’est-à-dire d’avoir des amis dans le ciel.
Cette amitié spirituelle est un chemin qui peut nous aider à
oser cette affection pour le Christ.
Alors, « qui est cet homme ? » disait toute
la ville. Qui peut en parler ?
Un prêtre disait, ou a osé dire dans une conversation sur la
prière ou de la relation avec le Christ : « je sais mieux en parler
que ce que je fais moi-même ».
C’est probablement là qu’il se trompe ! Le savoir n’est
pas la relation ! C’est d’ailleurs la relation qui donne un savoir
bien particulier, c.-à-d. quand nous exposons ce savoir particulier, alors,
nous savons de quoi nous parlons.
Dans le cas contraire, ce savoir que l’on maîtrise mieux, ce
savoir qui s’est substitué à la relation et qui la rend non nécessaire, et qui
finalement finit par se passer allègrement de la relation avec le Christ, ce
savoir est un parler en vain sur Dieu.
Or, cela fait même partie des dix commandements c.-à-d. de
ne pas parler en vain de Dieu !
Autrement dit : tourne-toi vers la relation !
C’est comme les démons de l’évangile qui prétendent
connaître qui est le Christ ! Or, ils refusent d’être avec lui, donc ils sont
dans leurs phantasmes sur Dieu, le phantasme du pouvoir, toujours la même
chose, et préfèrent y rester, un peu comme ce prêtre en question.
Précisément, la relation suppose la rencontre. Or, la
rencontre a lieu par grâce ! « C’est
moi qui te cherche, mais c’est toi qui viens à moi ! » dit le
philosophe Martin Buber.
Personne n’a la maîtrise de la rencontre. Or, c’est
précisément dans cet événement que Dieu dit au sujet qui il est et de manière
très personnelle, très particulière.
Oui, qui est cet homme ? Qu’est-ce qu’il t’a dit de
lui ? Par quel nom t’a-t-il appelé ?
Amen.
Père Roland Cazalis
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